Une visiteuse imprévue dans le bureau de Norrington

La pluie frappait avec violence contre les carreaux polis,les éclairs déchiraient le ciel de toute part.Victoria n'avait pu entrer au fort avant que l'orage ne la surprenne et avait dû courir pour tenter désespérément de s'abriter.Trempée jusqu'aux os,elle avançait dans les longs couloirs étrangement déserts des bureaux de la Compagnie des Indes.
La jeune femme ne savait trop où aller,à la fois intimidée par ce silence seulement troublé par les gouttes d'eaux qui venaient s'écraser sur les toits,et mal à l'aise de par son arrivée récente qui ne lui avait pas permis de visiter ces lieux auparavant.
Une porte,une seconde...
Les bureaux des commis se ressemblaient tous et Victoria admit au bout de quelques minutes qu'elle s'était égarée,ou tout du moins qu'elle ne savait absolument pas le chemin à prendre.Et soudain,la fatigue et le découragement l'envahir.Seule.Elle était seule dans ce batiment vide,dans cette contrée lointaine,perdue dans ce monde hostile qui ne lui faisait pas de cadeaux.Pourtant,elle en avait traversées,des situations hasardeuses,tâchant toujours de se montrer optimiste.Mais là,la jeune exploratrice commençait à fatiguer.
Tant pis.Elle prit son courage à deux mains et,serrant un peu plus ses doigts sur la poignée de cuir usé de sa valise,frappa doucement à la première porte qu'elle rencontra.Aucune réponse.Mais ce fort n'était-il habité que par des courants d'air ? Victoria se mordit la lèvre et tourna lentement la poignée.Le linteau lui céda le passage sans émettre aucun grincement.Le coeur battant,la jeune femme pénétra dans ce qui se révéla être un bureau parfaitement en ordre,certainement celui d'un fonctionnaire.Cela tombait bien,elle avait à faire avec l'administration de la ville.Un pas,puis deux...elle entra un peu plus,hésitante.Il n'y avait personne,devait-elle rester içi et attendre que le propriétaire réapparaisse ou continuer son exploration ?
Son regard traversa une fenêtre par laquelle on pouvait apercevoir les quais ainsi que la surface de l'eau,aussi grisâtre que le ciel.
La demoiselle soupira doucement.

James rentra dans son bureau,fatigué de toutes ces rondes et promenades,mais il ne s'en plaignait pas.Il soupira,exaspéré.
Il vit une jeune femme qui était rentré à l'improviste.
D'où venait elle? Que faisait elle ici? L'amiral s'en fichait complètement,mais il se demandait qu'est ce qui avait bien pu l'amener ici.
Il resta debout derrière elle et se râcla la gorge pour attirer son attention.

Bonjour. A qui ai-je l'honneur?

Victoria sursauta,n'ayant pas perçut la présence de l'officier dans son dos.Elle se retourna vivement,mal à l'aise,comme une étrangère surprise sur une terre inconnue d'elle.

-Oh,je suis désolée...Je me suis perdue et...Et la porte était ouverte...

La jeune femme baissa les yeux,le rouge aux joues.Une émotion étrange étreignait son coeur et bloquait les mots dans sa gorge,une sorte de gêne,de peur paralysante.
Un éclair zébra le ciel et le tonnerre qui le suivit la fit frissoner.

-Je...Je m'appelle Victoria Hills.Je viens d'arriver à Port Royal et je n'ai pas eu le temps de m'abriter avant que la pluie ne tombe...J'avais à faire içi,mais le temps m'a surprise.

De nouveau,les mots manquèrent.C'était étrange...

Victoria releva les yeux et lui sourit,un peu plus rassurée.Finalement,il existait peut-être encore des personnes serviables en ce bas monde...

-Ce serait vraiment très aimable de votre part.Mais malheureusement,je crois devoir encore abuser de votre précieux temps...

Elle ne connaissait même pas son nom...Mais après tout,n'était-il pas officier ? La jeune fmme posa sa valise sur le bureau et l'ouvrit,dévoilant un fratras impressionnant d'objets étéroclytes.C'était tous les trésors qu'elle avait amassés au cours de ses voyages : des parchemins,des breloques,des tissus colorés...Chaque chose apportait son lot de souvenirs,de découvertes et de rêves.

-Mais où ai-je pu bien les ranger...

C'était à se demander comme la demoiselle avait pu fermer la malle !
Enfin,après quelques minutes de "fouilles",Victoria tira de dessous un épais voulume de cuir rouge une liasse de documents qu'elle tendit timidement à son interlocuteur.

-Ce sont les autorisations...Pour mon livre.Afin de nommer les lieux,les personnenes rencontrées...J'ai déjà signé la partie concernant le droit de regard des hautes instances de la ville sur mon travail,quand celui-ci sera achevé.

Et oui,elle ne pourrait faire publier son écrit que s'il convenait à tout le monde...Ainsi,certains lieux demandaient un passe-droit spécifique pour que l'écrivain puisse les visiter et rédiger ses notes.

James attrapa toute cette jolie paprasse et feuilleta un peu le tout.
Il s'arrêta car il avait...la flême de continuer.Il referma le porte-documents et le lui rendit.

Je vois que vous êtes romancière,vous êtes venue faire les éloges de Lord Beckett?

Il se mit à rire.

Je pense qu'il sera plus que ravi de vous acueillir.

Il se reprit et pensa qu'il serait judicieux de se présenter.

Bon puisque vous devez relater toutes les personnes rencontrées,sachez que je suis officier,je m'appelle James Norrington,amiral de la Compagnie des Indes orientales.

-Enchantée donc de faire votre connaissance,Amiral.

Oui,leur rencontre méritait bien une bonne double page,tant elle était...Peu dans les normes."Par une soirée d'orage,notre demoiselle perdue tomba sur un gentilhomme inespéré..." Oui,cela rendrait très bien.
Mais Victoria parut soudain songeuse.

-Lord Beckett,dîtes-vous...? Fichtre,c'est incroyable comme son nom revient souvent,ces temps-ci ! A bord,puis sur les quais,avec une amie...Mais après tout,cela tombe bien,j'ai à lui parler de cette amie,justement.Une affaire de la plus haute importance,figurez-vous.Enfin,s'il a bien quelque instants à m'accorder pour mon livre,il en aura bien quelques autres pour que je plaide ma cause...

Une affaire de coeur...N'avait-elle pas promis d'aller voir les deux partis de l'histoire ? Pour Memphis,la question était réglée.Il ne restait plus que le Lord.

Oh Oh ça à l'air sérieux,puis-je me rendre utile dans cette affaire ou il s'agit d'une histoire personelle?dit-il avec une pointe d'ironie.

Il reprit son air sérieux d'officier.

En tout cas j'espère pour vous que ce n'est pas une histoire de pirates.Ce n'est pas le meilleur des sujets qu'il faut aborder avec le Lord.

Il lui souria.

Voulez vous Mademoiselle que je vous jusqu'à lui dès que l'averse aura cessé?

L'exploratrice referma sa valise et la posa à ses pieds,prête à reprendre la route,puis s'entoura la taille de ses bras pour se réchauffer un peu.

-Cette affaire est...Comment dit-on déjà...Ah oui,une "histoire de femme".Oh,celle-ci est peu commune : une jeune femme sur le point de se marier et qui craint que son fiancé ne soit trop pris par son travail,elle même ayant peur de blesser un ami commun fort amoureux d'elle depuis toujours.Et justement,le futur époux en question s'avère être ce fameux Lord Beckett.Je suis bien consciente que le fait qu'une totale étrangère aborde un sujet si personnel risque de le dérouter,mais je tiens vraiment à mon amie.C'est une personne tellement extraordinaire...Elle mérite de trouver le bonheur,après tout ce qu'elle a traversé.

Etrangement,ces "histoires de femme" étaient toujours fort ardues à suivre...Mais Victoria ne connaissait absolument pas le Lord et ne savait donc pas à quoi s'attendre.
Elle rendit le même sourire à l'officier,sa timidité mise entre parenthèses pour le moment.

-En effet,vous avez raison,mieux vaut attendre la fin de l'averse.Bien que je sois déjà mouillée...Il serait regrettable que vous attrapiez mal à cause de moi...!

La remarque était assez impertinente et le rose remonta un instant aux joues de la demoiselle.

-Enfin je veux dire...Que ce serait vraiment charmant à vous.

James n'en revenait pas,le Lord avait des projets de mariage et il n'en savait rien,cette histoire sortant de l'ordinaire avait marqué l'amiral qui voulait venir en aide à la pauvre jeune fille contraint de se marier à Lord Beckett.James n'aimait et n'aime toujours pas les mariages arrangés,si l'on épouse quelqu'un c'est par amour et si votre partenaire n'est pas amoureux,il fat que votre coeur l'accepte,lui-même en a eu l'expérience,même si le Lord l'aimait,il ne peut rien forcer et si il arrivait à lui faire prononcer ce petit "ouié cela lui serait retombé dessus tôt ou tard.

Ma foi,cette histoire est vraiment unique,Lord Beckett ne lâchera pas l'affaire et nul ici ne peut contester ses décisions,il est évident que votre amie est en fâcheuse position,il faudrait donner quelque chose au Lord contre la liberté de votre amie,malheureusement tout l'or du monde ne suffirait pas,l'amour ne s'achète pas.

Les histoires uniques,Victoria était femme à les collectionner.Au détriment de la sienne,la vie des autres la passionnait et elle aurait voulu écrire un ouvrage pour chaque nouveau visage,chaque nouvelle connaissance.

-Rassurez-vous,Amiral,elle aime le Lord,de tout son coeur,et même plus qu'il n'est possible d'un jour aimer dans une vie.En réalité,c'est le problème inverse qui est posé : elle doute de la totale sincérité des sentiments que peut éprouver son fiancé pour elle.Seulement si elle le lui demande directement,ce cher homme risque de mal le prendre et de l'accuser de ne pas avoir confiance en lui...De plus,si j'ai bien tout compris,mon amie lui a laissé deux années avant la noce.

La demoiselle n'était pas encore au courant de la maladie de Carlotta et pour elle,le souçi se résumait à une simple déclaration vibrante d'émotion que Beckett devrait faire.Ou du moins qu'elle tenterait de lui faire faire.

-Mais ce que vous dîtes est très profond,et surtout très véridique.L'amour est si compliqué...Enfin il semble l'être.

Parce qu'en dehors de son fils de bouquiniste,la jeune personne n'y connaissait que des queues de cerise,en amour.Enfin le croyait-elle...

L'averse avait cessé,laissait place à un magnifique arc-en-ciel,l'amiral l'avait remarqué,il donna son bras à la jeune femme pour qu'elle s'y appuie et ouvrit la porte.

La pluie a cessé.Vous venez?
Allons faire "cracher"cette déclaration à notre cher Lord,après tout votre amie qui n'est autre que Mlle De Neufchâtel mérite de l'entendre.

Victoria passa doucement son bras dans celui de l'anglais et lui souria timidement.Il était si courtois avec elle...Un seul avait été comme cela avec la demoiselle,il y a bien longtemps.Mais il fallait laisser le passé là où il était et elle chassa de son esprit ses noirs souvenirs.

-Alors vous connaissez Carlotta ? Et bien,je n'aurais pas cru que tout cela se sache si rapidement...Elle sera très heureuse de se savoir épauler ainsi...!

La corsaire c'était bien gardée de lui parler de l'Amiral,sur le quai...Nouvelle intrigue pour son livre.Mais tout d'un coup,son roman ne l'intéresait plus du tout.Ce moment n'y figurerait peut-être même pas,Victoria le garderait rien que pour elle,sans partage,comme la flamme d'une bougie dans une nuit d'hiver.Une flamme douce et tiède dans un hiver glacé et solitaire.

-Mais c'est vrai qu'elle le mérite bien : n'a-t-on pas droit au bonheur,au moins une fois ? Et puis ce Lord,quel qu'il puisse être,devra bien admettre cette vérité.Si leur amour est véritablement sincère et solide,ce devrait être un jeu d'enfant de le convaincre...

James poussa la porte et ils sortirent dans le couloir.Il leva les yeux.

Nous ne nous connaissions que très peu,nos chemins se sont simplement croisé il y a quelques temps où elle m'a confié qu'elle se sentait seule alors qu'elle comptait épouser le Lord.
Je ne crois pas qu'elle est un souvenir de moi.

Leurs pas les menèrent tranquilement le long de bureaux qui étaient les strictes copies de ceux que la jeune femme avait déjà entraperçus à son arrivée.Un vrai labyrinthe ! Et certainement,en son centre,son Minotaure,Lord Cutler Beckett...

-Oh,voyons,ne soyez pas si modeste...Comment vous oublier...?

Oui,comment ? Un sourire des plus francs illumina son fin visage avant qu'elle ne regarde pour la énième fois autour d'elle,pour fixer les lieux dans sa mémoire,ultime fil d'Ariane.

-Oui,c'est bien ce que je pensais...Je ne suis pas passée par içi en arrivant,mais par le chemin au total opposé.Une chance en soi.
Est-ce içi ? demanda-t-elle soudain en indiquant du menton une porte qui semblait constituée d'un bois plus riche que ceux des autres panneaux.

James les conduit devant la porte et regarda Victoria en souriant,cela fit si longtemps qu'il n'avait pas eu une compagnie aussi chaleureuse.

Vous avez vu juste.

Il effaça soudain son sourire et frappa à la porte.

J'espère que le Lord est de bonne humeur,ne vous inquiètez pas,je suis sûr qu'il comprendra la situation.

HRP:On continue dans son bureau.