Un Départ...Sans grand Espoir de Retour

Tant de journées avaient débuté ainsi...Du soleil,mais pas de châleur.Peut-être était-ce à cause de l'heure matinale.Les rayons tombaient drus sur les quais de Port Royal,rasants,aveuglants.Mais pas de torrides températres.On aurait juré le temps d'un automne en Angleterre,ce qui était plutôt inhabituel,pour les tropiques.Depuis quelques temps,des choses étranges se produisaient dans la région.Des disparitions,un ou deux meutres sordides...Certes,l'observateur non averti n'y aurait vu que l'action de la Compagnie des Indes,ou encore un pirate désireux de troubler l'ordre public,mais un homme en ville savait toute la véritée.Où étaient passés ces femmes et ces enfants envolés.Qui avait sauvagement tuer ces villageois,avec une furie inhumaine,avant d'abandonner les cadavres dans la baie,figures flottantes et macabres.
Mais le monde n'était pas prêt à connaître le pourquoi du comment,et Lord Cutler Beckett le savait bien.Lui-même aurait préféré ne rien savoir,se terrer dans un coin et attendre que cette période néfaste cesse et laisse le monde en paix.Que les Visiteurs s'en aillent.Il les sentait,oh,avec tant de précision...Parfois,en marchant dans la rue,un frisson le parcourait : l'un d'entre eux n'était pas loin,à le suivre,épier ses mouvements.Eux.Les émissaires des ténèbres.Les créatures sorties de l'Enfer à l'appel de la Marque Noire,cette chose,là,en lui,et dont il ne connaissait pas le camp.Ces créatures cherchaient-elles à le tuer ? Ou plutôt à l'aider ? Ou simplement à lui signifier que l'heure fatidique était arrivée ? L'anglais n'avait pas peur,non.Il se sentait capable d'affronter son Destin,quel qu'il soit.Avec le recul,bien plus tard,le patron de la EITC condamnerait sans hésiter cette témérité appaisante.Car ce qu'il s'apprêtait à faire n'était que pure folie.
Dans sa cabine,le Lord se tenait debout,les mains dans le dos,le regard dans le vague.Sans savoir pourquoi,il avait intrrompu ses cents pas pour mieux réfléchir,se perdre dans son inactivité engourdissante.L'Amiral Norrington n'allait pas tarder.Il était vrai que c'était peu orthodoxe d'ainsi le faire descendre du fort jusqu'à l'Endeavour,afin de lui présenter sa mission,mais le temps était compté.D'ailleurs,les préparatifs du vaisseau étaient quasiment achevés.Une expression de douleur triste passa laconiquement sur ses traits : il devrait bientot révélé une grande part de la véritée à James.Et cela ne lui disait vraiment rien qui vaille.

Le moins que l'on pouvait dire,c'était que le départ du massif bâtiment militaire attirait du monde.Les dockers,tout d'abord,ces hommes qui apprêtaient chaque bateau avant son départ et prenaient soin de la moindre embarcation entrant dans le port.Les soldats,ensuite.Nombreux étaient ceux qui,voyant leur meneur de sortie,avaint cru qu'ils étaient comme toujours réquisitionnés,ce qui était anormalement faux : un nombre très restreints d'hommes avaient été requis,le minimum pour manoeuvrer l'Endeavour et assurer une minime sécurité à ses passagers.Etrange...Ils ne partaient donc paspour une tâche d'envergure.
Pourtant,ce n'était pas à cela que songeait Victoria Hills,plantée sur le quai,son regard courant le long de la coque,profondément impressionnée par la majestée de cette oeuvre de bois et de toile.Autour d'elle,d'autres femmes,enlaçant des marins sur le point d'embarquer,avec cette angoisse au fond du coeur qu'ont toutes les fiancées de matelots à la veille d'un départ.La crainte d'un naufrage,d'un abordage.L'appréhension d'une absence à la durée à peu près définie,mais incertaine,toujours.Cette tristesse de se quitter,même si le lien qui les unissait tiendrait bon...Sans le vouloir,la jeune femme les regardaient,sans curiosité ni jalousie.Ces scènes presque quotidiennes l'avaient toujours emplie d'une émotion diffuse et indescriptible,ce sentimrnt que l'on éprouve à chaque au revoir ressemblant plus à un adieu qu'à une promesse de retrouvailles prochaines.Mais à l'inverse de ces demoiselles,l'écrivain n'avait pas de mari ! Juste une personne à croiser avant que le navire n'appareille.Oh,si pour une fois,le Destin pouvait jouer en sa faveur...Elle n'avait point revu James Norrington depuis son entrevue avec Lord Beckett,et elle mettait toujours un point d'honneur à régler ses dettes,d'où sa présence içi,à attendre et à espérer entrapercevoir dans la foule la silhouette du gradé.Sa pensée s'envola vers le but de ce mystérieux voyage.Quelle était leur destination ? Qu'allaient-ils chercher Dieu savait où ? Victoria déglutit,se sentant prête à enfreindre les règles en montant à bord sans autorisation pour en savoir plus,voire même effectuer le voyage ne son entier.Elle avait lu bien trop de livres !

Un son lointain fit sortir Beckett de sa rêverie.Ah,son officier,déjà...En même tmps,Cutler ne pouvait plus attendre,mais ne se résolvait pas à affronter le regard de Norrington.Ses questions.La peur,qui peut-être étreindrait son coeur.L'envie de sortir de là,et vite ! Oh,comme le Lord aurait voulu céder à cette impérieuse angoisse ! Mais il ne pouvait pas,car Cate comptait sur lui.
Sans un mot,il se dirigea vers la porte et l'ouvrit,ce qui était vraiment peu ordinaire.Mais tout cela dépassait ce que l'on aurait jamais pu immaginer,l pouvait donc se permettr quelques inexpliqués écarts.

-Entrez,je vous en prie,lui dit-il platement,sans autorité.

Son attitude était en contradiction avec son tempérament antérieur,tout ce qu'il avait donné à voir au monde de lui.Lâchant le panneau,son patron s'éloigna de quelques pas avant de se retourner vers lui,les bras croisés sur le torse,décidément souçieux ce matin-là.

-Comme vous l'avez sans doute remarqué,nous partons.Je ne saurais vous dire pour combien de temps,ni pour quel endroit précis,mais...L'heure est grave,James.Plus que vous ne pourriez le penser.Je suppose que pour apprendre de facheuses nouvelles,mieux vaut être assis.Les sièges içi présent sont à votre entière disposition.Mais avant de me poser de légétimes questions,j'aimerais...Tenter de vous dresser un portrait de ce qui se passe,et de ce qui va arriver.Ce n'est point aisé pour moi,car j'y suis dramatiquement impliqué...Ce qui sera bientôt votre cas,également...Mais je souhaiterais que tout cela reste entre nous.

Il détourna les yeux : c'était plus dur que prévu.Soutenir les yeux acier de l'Amiral était une épreuve tellement ardue lorsque l'on en pouvait lui opposer froideur et condescendance...Pour une fois,il allait s'en remettre pour une bonne partie à son subordonné.Lui faire confiance.De toute façon,même si James trahissait cette dernière,la situation en pouvait être pire.

Une grande inspiration.Cela l'aiderait peut-être...Une voix naquit en son esprit,la même que le soir où sa fiancée s'était évaporée avec son nouveau jules;toujours aussi insistante,toujours aussi mauvaise.Clairement,elle lui interdisait de quitter Port Royal,de se rendre en des lieux interdits pour lui,de parler au britannique.D'une sèche pensée,Cutler la fit taire.
Ce fut d'un ton un peu plus assuré,mais plat comme la surface d'une mer sans vent qu'il débuta.

-Voiçi.Il y a de cela une dizaine de semaines,j'invitais mon amie de toujours Carlotta de Neufchâtel à dîner au fort.C'était parti pour une agréable soirée,le genre de celles qui rompent le quotidien et incitent à sourire.Seulement voilà,alors que nous pénétrions dans mon bureau pour partager un dernier verre,une créature s'est attaquée à elle.Un vampire,pour être précis.Oui,je sais,ça parait follement irréel,comme ça.Mais je vous assure que lorsque vous l'avez en face de vous,le passage du mythe à l'être de chair et d'os vous semble bien moins improbable.

Bien entendu,Beckett n'évoquerait jamais la dispute qui s'était tenue avant l'arrivée du monstre...Si son interlocuteur avait tout à gagner à en savoir un maximum,certains détails persistaient cependant à ne pas lui être destinés.

-Bref,la voiçi au sol,deux trous au niveau de la jugulaire,son sang se répendant sur le tapis.J'ai le malheur...Non,disons simplement que jj'attire son attention.La chose me voit.S'approche.Elle me toise.J'entends ses pensées.Maintenant,c'est un peu flou...Mais je n'ai pas rêvé.C'était si précis,elle me considérait avec presque de la fraternité,comme si étions d'égal à égal,alors qu'elle aurait pu me tuer si facilement.

Plus il parlait,plus il semblait revivre la scène.Ses yeux ne fixaient plus l'Amiral,mais un point dans le vide.Ses souvenirs étaient si précis qu'ils défilaient tel un film.

-Alors...Elle s'est essuyé les lèvres avec sa main...Et du bout de ses doigts,m'a donné un pouvoir.Inimmaginable.Il parait que cela s'appelle la Marque Noire.C'est impossible à définir,comme sensation.De tout sentir,tout connaître,tout percevoir.Eprouver les émotions des autres comme si vous étiez à leur place.Discerner le monde qui vous entoure avec une nouvelle conscience,une précision ahurissante,les capacités de vos sens décuplées.Mais si j'ai gagné quelque chose cette nuit-là,j'ai aussi perdu Carlotta.Son âme était si troublée et si malheureuse qu'un démon,le fils même du Diable,Blackheart,est venu la chercher pour en faire la Reine de son Tartare.Et...Elle l'a suivi.Peut-être l'a-t-il enlevée,forcée à se joindre à lui,je ne sais pas.Mais ce qui est certain,c'est que nous allons la chercher.La sauver,en fait.J'ai pensé que cela vous plairait,vous êtes tellement chevaleresque,a fortifiori avec les femmes.

Certainement ce penchant qui l'avait fait venir en aide à Gwendolyne Swann,lors de la bataille de la forge.Les reproches,ce serait pour plus tard.La simple évocation du démon s'était tenu à un nom craché avec dédain,tandis que son pouce passait avec lassitude sur l'anneau portant une émeraude qu'on lui avait rendu.
Un soupir résigné,puis il poursuivit après un court silence qui laissait entendre que la suite le contrariait.

-Le problème réside dans le fait que nous allons risquer nos vies.Que dis-je,frôler la mort de manière plus que certaine.Il ne nous la rendra pas sans livrer bataille.Si jamais vous vouliez refuser cette aventure...Et bien je comprendrais aisément.Mais ne vous laisserais pas descendre pour autant.

A cet instant,comme pour marquer le coup de cette terrible annonce énumérée pourtant avec une indifférence teintée de désappointement,le quartier-maître hurla que l'on largue les amarres.Déjà lEndeavour se détachait de la jetée,certains sur le pont agitaient candidement des mouchoirs en direction de ceux restant sur place...Parmis lesquels une jeune femme sentant son coeur se serrer d'inquiétude.
Lord Beckett,quant à lui,sourit de manière inquiétante,comme s'il était finalement content de cette épopée.En fait,c'était plutôt sa part sombre qui se réjouissait.D'enfin rentrer à la maison.

Cause : changement d'amiral =p Et arrangements scénaristiques.